Parution du dernier rapport IGF-IGAS sur le statut des travailleurs d’ESAT

Article

Le 14/03/2024

Le rapport IGF-IGAS portant sur la « Convergence des droits des travailleurs handicapés en établissements et services d’aide par le travail (ESAT) vers un statut de quasi-salarié » a été publié.

Ce travail fait suite au dernier rapport IGF-IGAS sur les ESAT, sorti en 2019. L’Unapei qui é été auditionnée se félicite d’avoir été entendue. Ci-dessous notre analyse. Vous pouvez également télécharger le rapport complet à la fin de cet article. 

Le rapport IGF-IGAS recommande d’abandonner le scénario d’une augmentation de la rémunération garantie au niveau du Smic

L’Inspection Générale des Finances et l’Inspection Générale des Affaires Sociales ont recommandé que le scénario d’une augmentation de la rémunération des travailleurs des ESAT">ESAT au Smic (dont une rémunération directe portée à 15% du Smic), ne soit pas retenu

La mission justifie cette recommandation en trois temps, qui ont été centraux dans l’argumentation développée par l’Unapei pour alerter sur les risques encourus par le secteur :

  • D’une part, une telle augmentation engendrerait un choc économique pour les ESAT. 55% des ESAT seraient en effet en déficit (contre 29% actuellement) après la mise en œuvre de cette mesure, couplée à celle tenant au financement de la moitié du coût de la souscription à une complémentaire santé. Le surcoût moyen associé à la hausse de la rémunération pour un ESAT s’élèverait à 32200€ par an, soit 54% du résultat commercial moyen pour 2022 et dépasserait dans 12% des cas les 60000€.
  • D’autre part, ce déséquilibre économique serait difficilement absorbable par les ESAT. En effet, une augmentation de la productivité demandée ne semble pas compatible avec l’encouragement par la loi pour le plein emploi d’accompagner les travailleurs les plus productifs vers le milieu ordinaire de travail. De plus, « une hausse des prix des prestations représente un pari risqué compte tenu de la concurrence existants sur les marchés où les Esat opèrent ».
  • Enfin, les inspecteurs ont noté qu’une telle fragilisation financière des Esat ne conduirait pas même à une amélioration réelle du pouvoir d’achat des travailleurs d’ESAT">ESAT, en raison du caractère différentielle de l’AAH">AAH et de la réduction des autres prestations sociales versées, dont les aides au logement et la prime d’activité. Ainsi, même si 44% des travailleurs bénéficieraient d’une augmentation de leurs ressources de l’ordre de 94€ par mois, 29% de ces derniers subiraient quant à eux une diminution de leur reste à vivre.

La mission reconnait en ce sens que « le système actuel ne permet pas […] d’augmenter la rémunération de travail sans générer de perdants ». Seule une réforme du système de prestations sociales pourrait permettre une « politique de rémunération plus dynamique des travailleurs ».

Des recommandations plus globales, pour accompagner les personnes au plus près de leurs souhaits et besoins

La mission, dont les conclusions étaient attendues plus globalement sur les dernières réformes connues par le secteur, recommande de consacrer un élargissement de la mission des ESAT : la vocation de ces derniers d’assurer l’insertion des travailleurs «« qui le peuvent et le souhaitent » devrait ainsi être précisée dans le CASF, sans remettre en cause la mission historique de « donner du travail aux travailleurs durablement éloignés du marché de l’emploi » et fournir à ces derniers l’accompagnement médico-social dont ils ont besoin.

Elle fournit par ailleurs des recommandations pour assurer, dans une logique d’autodétermination, « la capacité des personnes à organiser leur vie selon leurs préférences » en suivant trois axes :

  • Améliorer la fluidité du parcours des travailleurs, qu’il s’agisse du suivi de la réforme de l’orientation, dont les « conditions de mise en œuvre s’avèreront cruciales » (le rapport préconise notamment la coopération de France Travail avec les équipes pluridisciplinaire d’évaluation des MDPH), comme des sorties d’Esat, en lien avec les plateformes emploi accompagné. Pour assurer une augmentation des sorties, les inspecteurs ont reconnu le caractère essentiel de la création d’un « simulateur des allocations ». L’Unapei a alerté a de multiples reprises sur l’importance d’avancer sur ce sujet. Une transformation de l’offre (développement des Esat hors les murs, évolution de l’offre de travail des Esat) est également requise, de même qu’une évolution de l’inclusivité du milieu ordinaire de travail, passant notamment par une meilleure connaissance des aides aux entreprises et une réforme de la durée de validité de la Reconnaissance de Lourdeur du Handicap. Ces derniers points nous semblent en effet le corollaire de la réforme des Esat. Sans une évolution du milieu ordinaire de travail, de la perception des recruteurs, toutes les démarches menées par les Esat pour soutenir le parcours des travailleurs seront limitées dans leur impact. 
  • Assurer une meilleure lisibilité des ressources et une meilleure rémunération, via une incitation, notamment dans le cadre des dialogues de gestion, à mettre en place une politique de rémunération plus incitative et un rapprochement des modalités de calcul de la base de ressources de l’AAH sur celles utilisées en milieu ordinaire de travail. Sur ce point, l’Unapei émet des réserves quant à la recommandation de suppression de l’abattement Pa-Pi, dont bénéficient les personnes ayant un taux d’incapacité supérieur à 80%, au profit d’un abattement unique et commun au milieu ordinaire de travail, une telle suppression pouvant générer une perte de ressources pour une partie des travailleurs.
  • Garantir un pilotage des Esat plus aligné sur la politique globale du handicap, en assurant via le CPOM le suivi du plan de transformation, en garantissant une évaluation plus fine de la qualité de l’accompagnement proposé par les Esat et en accélérant le déploiement de la réforme de financement SERAFIN-PH, recommandation au sujet de laquelle l’Unapei restera très vigilante.

Globalement, le rapport pose des constats et formule nombre de recommandations avec lesquelles nous sommes alignés, en posant notamment la question de la pertinence du moratoire sur les Esat, ou en insistant sur l’importance de mettre en œuvre l’ensemble des mesures du Plan ESAT dont l’opérationnalité « reste encore, pour beaucoup, à écrire ».

Quelques points cependant interrogent, comme la recommandation de réaliser un travail de prospective sur les secteurs d’avenir pour les Esat avant tout dispositif d’aide (comme le renouvellement du FATESAT">ESAT) ou la suppression de l’interdiction de réaliser une marge financière sur la mise à disposition, transformant de fait la vocation de ce dispositif). D’autres sont à notre sens manquants : une recommandation visant à exclure la prime de partage de la valeur de la base ressource pour le calcul du montant de l’AAH">AAH aurait été souhaitable, comme une proposition visant à aider les ESAT">ESAT à financer 50% du montant de la complémentaire santé pour leurs travailleurs.

Le rapport IGF-IGAS, une opportunité de bénéficier de données actualisées sur le secteur

Ce rapport, dont nous espérons que les alertes qu’il formule au sujet de l’évolution de la rémunération directe seront prises en compte par le Gouvernement, apporte également des données chiffrées actualisées importantes pour le secteur, qu’il s’agisse du profil des travailleurs d’ESAT">ESAT ou de données sur le non-recours à certaines prestations, notamment à la prime d’activité. Par ailleurs, il alerte sur le fait qu’à l’heure actuelle l’exclusion effective de la prime d’intéressement de la base ressources pour le calcul du montant de l’AAH">AAH ne se fait qu’en cas de réclamation des personnes concernées. Dans les faits, le flux de réclamations est minime. 

Il comporte enfin des annexes dignes d’intérêt, notamment une analyse économique et financière des ESAT">ESAT, une étude sur les ressources des travailleurs ou encore des éléments sur le parcours de vie et l’emploi des travailleurs en situation de handicap. 

 

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