Handicap et mal logement : ils sont des milliers à se battre pour un toit digne !
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Le 05/02/2025
Accéder à un logement social reste un parcours semé d’embûches pour de nombreuses personnes en situation de handicap intellectuel et porteuses de troubles du neurodéveloppement. Elodie, mère d’une enfant porteuse de troubles du spectre de l’autisme, livre son combat pour offrir à sa fille un logement décent.
Pour des milliers de personnes en situation de handicap, vivre chez soi comme tout le monde reste encore une utopie. Chaque année, le constat est le même : le handicap demeure le principal motif de discrimination au logement signalé à la Défenseure des droits. En 2023, il représentait 21 % des saisines pour discrimination, dépassant celles liées à l’origine (13 %) et à l’état de santé (9 %), selon le rapport annuel de l’institution. Près de 10 % de ces réclamations concernaient l’accès au logement.
Face à cette situation, les personnes en situation de handicap et leurs familles peinent à trouver un toit adapté à leurs besoins. Le manque de logements adaptés et les pratiques discriminatoires continuent de freiner leurs démarches, les rendant encore plus vulnérables au mal-logement.
C’est le cas d’Elodie (prénom modifié), maman de trois enfants, dont Jade, une petite fille de cinq ans, porteuse de troubles du spectre de l’autisme (TSA). Elodie se bat depuis des mois pour obtenir un logement adapté à sa situation familiale et aux besoins spécifiques de sa fille. Le T4 de la famille, situé à Boulogne-Billancourt, présente de graves problèmes d’insalubrité : moisissures, infiltrations et un froid persistant. « Jade est constamment malade », rapporte Elodie, « ses maîtresses à l’IME me font sans cesse part de son état de santé fragile. Elle n’a pas la conscience de se couvrir la nuit. »
Le problème ne se limite pas aux conditions de vie insalubres. Depuis la naissance de sa petite sœur, Jade doit partager sa chambre, ce qui génère une grande souffrance chez elle. « Jade a besoin d’un espace pour se retrouver et s’isoler. Elle a ses rituels et des besoins sensoriels spécifiques. Elle pourrait se mettre en danger et mettre en danger sa petite sœur car elle n’a pas conscience de son environnement », explique Elodie.
Malgré l’appui de nombreux professionnels de santé et de l’équipe de l’IME des Papillons Blancs de la Colline, le handicap intellectuel de Jade n’est pas pris en compte dans la priorisation des attributions de logements. « Lors d’un échange avec notre bailleur, on nous a dit que le handicap physique primait sur le handicap mental. C’est la course à l’échalote entre les handicapés : si on est en fauteuil, c’est beaucoup de points. Jade n’a que 6% des points sur 3000 », déplore Elodie.
Malgré un dossier renforcé par des recours gracieux et des avis médicaux d’une équipe pluridisciplinaire qui suit Jade quotidiennement, la famille a été classée en second rang lors de la commission, derrière une famille de trois enfants sans critères prioritaires. Face à cette décision qu’ils jugent discriminatoire, Elodie et son mari ont saisi le tribunal administratif de Cergy.
Pour temporiser, un logement totalement inadapté leur a été proposé, exposé au bruit et ne prenant pas en compte les besoins spécifiques de Jade. « Personne ne comprend les spécificités liées à l’autisme, absolument personne », désespère Elodie. Et cette lutte a des conséquences financières et psychologiques lourdes pour la famille :
« On doit faire des concessions à cause des frais d’avocat, on ne peut plus partir en vacances. Je développe des problèmes psychologiques parce que je me sens complètement dépassée par cette situation. Mon mari et moi devons dormir dans le salon pour que Jade ait sa chambre. On aimerait que chacun ait son espace : notre fille en situation de handicap mais aussi nous, les parents aidants. On a la chance d’être deux et de tenir, mais ça commence à être dur, on craque, et ça a des répercussions sur notre vie, notre famille, et surtout Jade. »
Pour Elodie et pour l’Unapei, il est urgent que le caractère discriminatoire envers le handicap intellectuel et l’autisme dans l’attribution des logements soit reconnu et corrigé.
L’Unapei propose un état des lieux et porte des revendications en ce sens à découvrir ici.