« Pour les enfants en situation de handicap, l’accès à l’éducation n’est pas une option ! »

Article

Le 18/11/2020

À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, Sonia Ahéhéhinnou, administratrice de l’Unapei et présidente de l’Unapei 17 alerte sur les insuffisances du système français et sur les risques de régression de la politique inclusive du fait de la crise sanitaire.

 

Aujourd’hui, c’est la Journée internationale des droits de l’enfant. Que symbolise-t-elle pour vous ?

Cette journée vient rappeler que, partout dans le monde, les droits fondamentaux des enfants doivent être garantis et défendus, comme le prévoit la Convention internationale des droits de l’enfant. L’accès à l’éducation est l’un de ces droits fondamentaux. On estime que dans le monde, près de 262 millions d’enfants ne sont pas scolarisés. Parmi eux, les enfants en situation de handicap figurent au premier rang des exclus du système éducatif. Le fait d’être ainsi maintenus à l’écart leur interdit de développer leurs capacités, de révéler leur potentiel et d’accéder, une fois adultes, à l’autonomie, à la citoyenneté, à l’emploi. C’est à l’État qu’il revient de garantir ce droit. L’accès à l’éducation n’est pas une option, c’est un impératif.

 

Qu’en est-il en France ? Comment s’est passée la dernière rentrée scolaire ?

Le droit français garantit en principe « un parcours scolaire continu et adapté ». Dans la réalité, les parcours ne sont pas sécurisés, les adaptations laissent à désirer et l’accessibilité est loin d’être effective. Nous le constatons une fois de plus depuis la dernière rentrée. Il y a toujours, dans notre pays, des enfants sans solution ou qui ne sont pas là où ils devraient être. Certains attendent un accès à un dispositif inclusif, d’autres une place en IME. Rappelons qu’à ce jour, les IME restent les seuls lieux de scolarisation accessibles aux élèves atteints de troubles sévères du neurodéveloppement. Eux seuls proposent un accompagnement renforcé et des adaptations spécifiques correspondant aux besoins de ces enfants. Les familles ont largement témoigné de ces situations dans le cadre de la campagne de rentrée de l’Unapei #Jaipasecole (https://marentree.org/). Elles se sentent exclues, ostracisées. Le terme est fort, mais c’est une réalité. Nous sommes en train de demander la permission d’envoyer nos enfants à l’école ! Et nous devrions nous montrer reconnaissants, même quand la solution proposée n’est pas adaptée. C’est insupportable !

 

Le Comité national de suivi pour l’école inclusive souligne pourtant les progrès réalisés…

On ne peut s’en tenir à une approche quantitative et se contenter des lister les mesures mise en place à chaque rentrée. L’école inclusive, ce n’est pas une juxtaposition de dispositifs. Augmenter le nombre d’AESH, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant, cela ne correspond pas aux attentes de tous les enfants. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un réel diagnostic, d’évaluations objectives qui permettent d’identifier les freins à la scolarisation et de construire des réponses cohérentes. L’Unapei ne nie pas les efforts du gouvernement. Il s’est saisi du sujet, il mobilise des moyens. Mais la mise en œuvre de cette politique reste très éloignée de ce qui est annoncé. Et cela a des répercussions très concrètes sur le terrain pour les élèves et leurs familles : élèves laissés sans aucun accompagnement, élèves accompagnés quelques heures par semaine, élèves accompagnés en classe Ulis faute d’accompagnements adaptés disponibles en IME, ….

 

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur la scolarisation des enfants ?

Elle ne fait qu’exacerber les inégalités et génère encore davantage de ruptures de parcours. Les familles se sentent encore plus exclues qu’avant la crise. Au-delà de situations individuelles parfois dramatiques, ce que nous constatons, c’est un coup d’arrêt porté à la dynamique de scolarisation des enfants en situation de handicap. Les dispositifs d’inclusion sont suspendus. On refuse des enfants, d’autres se voient proposer des temps de scolarisations homéopathiques. On ferme des classes d’Ulis, les unités d’enseignements installées dans les écoles sont réquisitionnées pour permettre les dédoublements des classes. Dans un département de ma région, une équipe médico-sociale s’est vu interdire l’accès, pour raisons sanitaires, d’un établissement scolaire où nous avons mis en place un dispositif IME SESSAD ! Ce type de repli du système éducatif nous alerte sur un vrai risque de régression.

 

La coopération entre le médico-social et l’Éducation nationale n’est-elle pas, justement, mise en avant par le gouvernement ?

Disons qu’il y a une volonté affichée de la développer. Ça et là, on constate des réussites. Mais elles restent ponctuelles et reposent principalement sur la bonne volonté d’acteurs locaux et l’engagement personnel de certains interlocuteurs. On ne construira pas l’école inclusive sur les seules convictions individuelles de quelques professionnels ou enseignants. Elle doit faire système et mobiliser tous les acteurs des territoires, à l’intérieur comme l’extérieur des établissements scolaires. Sans oublier les parents – qui doivent être, avant tout, considérés comme des parents d’élèves – et les associations, bien sûr. L’Unapei reste très vigilante sur les situations rencontrées partout en France. Nous invitons les familles à continuer à partager leurs témoignages sur https://marentree.org/.

Photo : Sonia Ahéhéhinnou

Photo de couverture : Marion Moulin

 

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