Vivre avec un handicap complexe : un parcours du combattant
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Le 06/03/2024
Photo : D. Hacart - Cyrian et Gayane
Delphine Hacart est la mère de Cyrian, un jeune homme de 20 ans porteur de troubles du spectre de l’autisme graves. Depuis décembre, Cyrian est l’un des résidents de la Maison d’accueil spécialisée de Camphin-en-Pévèle, des Papillons Blancs de Lille.
Les Maisons d’Accueil Spécialisées (MAS) accompagnent des adultes présentant une situation complexe de handicaps avec altération de leurs capacités de décision et d’actions dans les actes essentiels de la vie quotidienne. A Camphin, les personnes accueillies présentent des troubles majeurs du comportement, à l’image du jeune Cyrian.
La MAS accompagne aujourd’hui 5 adultes, à partir de 16 ans. Les équipes éducatives, médicales, paramédicales et hôtelières assurent les besoins des résidents : sécurité, confort, bien-être, prévention, soins et activités de loisirs, sociales et culturelles.
Un parcours du combattant
Agent administratif, divorcée et mère de deux enfants, Gayane (18 ans) et Cyrian (20 ans), Delphine Hacart a tout de la proche aidante guerrière qui se bat pour son fils. Cyrian est porteur de troubles du spectre de l’autisme avec des troubles majeurs du comportement.
Son handicap est diagnostiqué relativement tôt. “Il ne parlait pas, poussait des cris, faisait les mêmes gestes. Le diagnostic tombe à ses 3 ans et à partir de là, on a été livré à nous-mêmes”, décrit Delphine.
Cyrian est scolarisé en Belgique jusqu’à ses 9 ans. C’est à cet âge que ses crises deviennent de plus en plus difficiles et violentes, au point que Cyrian se jette à travers une baie vitrée. Il est alors exclu de cet établissement, puis d’un deuxième pour un incident identique.
Que faire ?
La seule solution proposée à Delphine est d’inscrire son fils sur liste d’attente. C’est seulement après 125 courriers et interpellations auprès de la presse qu’elle obtient pour son fils une place à mi-temps en institut médicoéducatif (IME), qui se transforme par la suite en temps complet.
Mais à chaque retour à la maison, “il faisait des crises qui m’obligeaient à appeler les pompiers. C’était le défilé toutes les semaines, entre pompiers, ambulanciers, gendarmes, qui me disaient qu’ils n’avaient jamais vu ça.” témoigne Delphine désemparée, qui voit sa maison se dégrader.
A l’approche des 20 ans de Cyrian, Delphine entend parler de la MAS de Camphin qui propose des accompagnements correspondant pleinement aux besoins de son fils. Le jeune homme intègre la MAS le 11 décembre dernier.
Une toute nouvelle vie pour Cyrian
Arrivé à la MAS de Camphin, Cyrian a tout de suite compris que c’était sa maison, son logement. Delphine l’assure : tout est calculé pour son bien-être, jusqu’à la couleur des murs adaptée à ce type de handicap, ou encore des lumières douces bleues dans sa chambre.
“Tout est pensé pour l’autisme. Ils ont des salles de relaxation, des salles de retrait où ils peuvent laisser le jeune se calmer sans qu’il puisse se blesser”, témoigne la mère. Un point très positif puisqu’il n’est pas rare que lors de ses crises Cyrian se blesse en raison d’un environnement inadapté, y compris chez sa mère. A la MAS, plus de quarante professionnels encadrent les résidents et leur proposent de multiples activités.
“J’ai beaucoup discuté avec les équipes, les éducateurs, infirmiers. Ils sont très à l’écoute et me montrent ce qu’ils font avec lui, souligne Delphine. Son éducatrice référente lui a monté un planning avec des images pour lui expliquer le déroulement sa journée”.
Les équipes envoient régulièrement des photos de leur quotidien aux familles, comme quand Cyrian se découvre un certain talent pour le padel (tennis en salle). Il est à présent inscrit au club qu’il fréquente tous les 15 jours, encadré par les éducateurs sportifs spécialisés.
Une vie plus sereine pour Delphine aussi
Depuis que Cyrian est résident à la MAS, Delphine mène une vie plus apaisée. “Je passe beaucoup plus de temps avec ma fille, on fait du sport ensemble, ce qui n’était pas arrivé depuis des années. Je ne l’ai pas vu grandir car j’étais accaparée par Cyrian…” se souvient-elle.
Les bienfaits de l’accompagnement de son fils sont, par extension, tout aussi bénéfiques pour la mère, proche aidante : Delphine a beaucoup plus de temps et d’espace mental. S’occuper pleinement de sa fille et d’elle-même, réparer sa maison, voilà ce qu’elle peut faire aujourd’hui.
Consciente de sa “chance”, Delphine sait aussi que des centaines d’enfants sont sur liste d’attente pour ce type d’établissements. “Je me suis battue pour en arriver là et c’est un combat au quotidien”, conclut-elle.