Impliquer les personnes accompagnées dans la gouvernance associative

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Le 20/03/2025

Depuis plusieurs années, l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor a profondément transformé sa manière d’accompagner les personnes en situation de handicap en plaçant l’autodétermination et l’éthique au centre de ses actions. L’association mise sur la participation active des personnes accompagnées dans la gouvernance et les décisions qui les concernent. 

Philippe Estienne, directeur du développement de l’Adapei et co-animateur du Club des présidents de conseils de la vie sociale (CVS), explique sur quel constat l’équipe s’est appuyée : “Le regard sur les personnes en situation de handicap évolue. Nous ne les voyons plus comme des individus en incapacité, mais comme des citoyens capables de s’exprimer, de faire des choix et d’agir pour eux-mêmes.” Leurs voix comptent.  

Depuis maintenant près de 10 ans, des personnes accompagnées siègent au conseil d’administration avec voix délibérative. Il y a quatre ans, l’Adapei-Nouelles Côtes d’Armor décide d’accélérer le mouvement en intégrant les personnes accompagnées dans toutes les instances de réflexion et de décision de ses établissements et services. Elles participent activement aux conseils de la vie sociale (CVS), aux comités de pilotage, et animent des groupes de travail sur des thématiques variées comme l’habitat ou l’organisation d’événements. 

Cette implication a également conduit l’association à modifier ses statuts : aujourd’hui, cinq personnes en situation de handicap siègent au conseil d’administration et une au bureau. C’est le cas de Philippe Josse, personne accompagnée, qui témoigne : “Ce n’est pas toujours facile, parfois le langage est trop compliqué. Je leur dis souvent : arrêtez avec vos mots à la con, je ne comprends rien ! Mais aujourd’hui, on nous écoute, et on simplifie les échanges. 

Une éthique au plus près du terrain 

L’Adapei-Nouelles a souhaité intégrer une réflexion éthique dans cette dynamique. Mais pas question de créer un comité d’experts déconnectés du quotidien. “On ne voulait pas d’une instance centralisée qui dicterait la bonne parole. Nous avons choisi une approche de terrain”, souligne Philippe Estienne. 

Des binômes de veille éthique ont donc été mis en place, composés d’un professionnel et d’une personne accompagnée. Aujourd’hui, une vingtaine de binômes identifie les questionnements éthiques dans les CVS et les réunions d’équipe, puis les remontent au comité « éthique et qualité intégrale » de l’association. “Ils n’appellent pas forcément ça de l’éthique mais ils font face à ces situations”, ajoute Philippe Estienne. 

Au sein de ce comité, les personnes accompagnées sont pleinement actrices, comme Justine Lambolle : “On me demande mon avis, mais moi aussi je le demande aux autres. On a décidé d’utiliser le FALC (facile à lire et à comprendre) avec des pictogrammes et des phrases simples. Ça me rend plus autonome, plus libre, et j’arrive mieux à m’exprimer. 

Ils ne sont pas là juste pour être présents, ils sont acteurs”, précise Philippe Estienne. En exemple : les fêtes de fin d’année, où ce sont eux qui ont tout organisé, du budget aux prestataires. Ils interviennent aussi dans des formations auprès de lycéens ou d’élèves infirmiers. 

Une transformation qui bénéficie à tous 

Au fil des années, cette démarche a transformé l’accompagnement et la posture des professionnels. “Il ne s’agit plus de prise en charge, mais d’accompagnement vers l’autonomie. C’est un équilibre entre autonomie et sécurité”, explique Philippe Estienne. 

Les réunions s’adaptent aux personnes accompagnées : langage simplifié, durée limitée à 45 minutes, pauses obligatoires qui permettent à certains de répondre à leurs emails et aux personnes accompagnées de prendre une vraie pause. Bénéfiques pour tout le monde, ces aménagements ont porté leur fruit : “les personnes accompagnées étaient celles qui ont le plus pris la parole lors du dernier CA”, témoigne le directeur du développement.  

Nous avons besoin de ces regards croisés. Ils nous font tous grandir et évoluer. Souvent je me demande : quelle est la finalité de notre action, pourquoi on est là, pourquoi je fais ce métier ? Tout simplement pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes et accompagner la société du vivre-ensemble. Pour cela il faut rendre les personnes visibles à la société, ce qui doit d’abord s’appliquer au sein de nos associations !” Philippe Estienne 

Un modèle inspirant 

Pour l’Adapei-Nouelles, cette démarche montre que l’implication des personnes accompagnées est non seulement possible, mais nécessaire. Le directeur du développement le rappelle : “Souvent, on pense qu’ils ne seront pas capables. Mais si on les accompagne, ils le sont.” 

Ce modèle pourrait inspirer d’autres acteurs. “Nous voyons des initiatives similaires émerger. L’important, c’est de partir des instances existantes et d’y intégrer pleinement les personnes accompagnées”, conseille-t-il. 

Pour ce projet axé sur l’autodétermination, la représentation et la participation des personnes concernées à la gouvernance, l’Adapei-Nouelles a par ailleurs été lauréate d’un appel à projet de la CNSA en 2023, en partenariat avec la Maison Moncontour et l’APF France Handicap.  

Découvrez leur projet en vidéo :

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