Communiqué de presse #jaipasecole
Le 22/08/2022
Les droits des élèves en situation de handicap toujours bafoués
Des enfants scolarisés seulement quelques heures par semaine,
voire pas du tout…
C’est le quotidien des enfants en situation de handicap intellectuel
et cognitif !
L’Unapei a créé un outil permettant de produire des données objectives sur la
réalité de la scolarisation des élèves accompagnés par les associations de son
réseau : sur près de 8 000 élèves scolarisés en milieu ordinaire ou spécialisé
33% ont moins de 6h de classe par semaine, 18% aucune heure.
Depuis de nombreuses années, l’Unapei met en lumière les difficultés rencontrées par les élèves en situation de handicap intellectuel et cognitif pour avoir accès à l’éducation, comme tous les autres enfants. Quand il n’en sont pas complètement exclus, certains ne bénéficient que de quelques heures d’enseignement par semaine, d’autres n’ont pas de place pour un établissement ou dispositif spécialisé dont ils auraient besoin, d’autres encore ne peuvent pas aller en classe à cause du manque d’enseignant dans le dispositif spécialisé ou d’AESH à l’école… Leurs droits ne sont pas respectés ! Combien sont-ils ? Malheureusement, seuls les élèves scolarisés en école « ordinaire » sont comptabilisés. Les chiffres ne disent pas si cette solution est adaptée à leurs besoins, ni le nombre d’heures qui leur sont accordées. Ils écartent totalement ceux dont la scolarisation dépend aujourd’hui des établissements spécialisés.
C’est pourquoi l’Unapei a créé un outil permettant à ses associations de se rendre compte de la réalité de la scolarisation des élèves qu’elles accompagnent dans toute la France. Les résultats sont édifiants, sur 7 949 enfants : un tiers ne bénéficie que de 6h d’enseignement par semaine maximum ! 18% n’ont aucune heure de scolarisation. Où est le droit à l’éducation ?
A noter : seulement 34% des élèves sont inscrits dans la « base élève » du ministère de l’Education Nationale ! Et les autres ? Pourquoi les invisibiliser ?
Depuis 4 ans, l’Unapei relance avant la rentrée, la campagne #Jaipasecole et la plateforme www.marentree.org, qui recueille les témoignages des familles et des professionnels concernées. Là encore, chaque année, les témoignages restent à peine croyables.
« Encore une fois, les personnes en situation de handicap intellectuel ou cognitif, etc … sont les invisibles, les oubliés. Beaucoup sont exclus des chiffres officiels, donc il est impossible de savoir combien ont accès à une scolarisation en adéquation avec leurs besoins, combien ne peuvent même pas avoir d’heures d’enseignement… Nous essayons donc de trouver l’information par nous même en créant un outil permettant à nos associations de remplir des indicateurs et de collecter des données objectives. Cela permet de se rendre compte des grandes difficultés rencontrées par les élèves en situation de handicap. Personne n’accepterait ces conditions. Eux sont bien forcés de s’y plier » déclare Luc Gateau, président de l’Unapei.
Seulement quelques heures d’enseignement par semaine voire pas du tout, quel que soit le lieu de scolarisation
Comment croire à la réalité du droit à l’Education en France, lorsque des élèves demeurent exclus du système scolaire?
D’après l’outil de suivi de scolarisation de l’Unapei, sur les 7 949 enfants accompagnés par nos associations :
→ 18% n’ont aucune heure de scolarisation par semaine,
→ 33% ont entre 0 et 6h de scolarisation par semaine,
→ 22% ont entre 6 et 12h,
→ Et seulement 27% bénéficient de 12h ou plus par semaine
Pour mémoire, à l’école élémentaire, la durée moyenne d’enseignement est de 24 heures par semaine…
Mais les élèves en situation de handicap sont bien souvent invisibilisés… en effet, sur les 7 949 élèves, seulement 34% sont inscrits dans la base élève du ministère de l’Education nationale. Ce qui signifie que deux tiers des enfants ne sont même pas comptabilisés dans les chiffres de l’Etat français ! Comment avoir connaissance de la situation pour résoudre le problème, si l’on ne peut pas connaitre l’ampleur de celui-ci ? Et encore, parmi ceux qui sont comptabilisés, rien ne dit que la solution de scolarisation proposée corresponde à leurs besoins…
« Après l’échec de deux ans d’attente pour une place en SESSAD, ma fille a maintenant un accord pour un IME.Nous repartons de zéro et on nous a déjà informé qu’il y a quatre ans d’attente. Six ans de démarche pour potentiellement essayer d’avoir une place… Que doit-elle faire ? Redoubler quatre fois la Grande section ? » parents de Manon L., 6 ans.
Un suivi de scolarisation souvent absent :
• Le Geva-sco signifie : « Guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation ». Ce document regroupe les principales informations sur la situation d’un élève, afin qu’elles soient prises en compte pour l’évaluation de ses besoins de compensation en vue de l’élaboration du PPS (projet personnel de scolarisation). C’est un outil d’observation partagée, d’échanges entre partenaires, de recueil et de transmission d’informations relatives au parcours de scolarisation d’un élève en situation de handicap. Sauf que…
→ Sur les 7 949 élèves, seulement un tiers ont bénéficié d’évaluations scolaires avec un GEVA-Sco.
« Mon fils a pu avoir une vraie inclusion scolaire quand il était en maternelle, puis il a été pris en charge en
IME/EEAP. J’ai cru qu’il allait avoir enfin une scolarisation plus adaptée. Finalement, il n’aura droit qu’à 1/2h d’école par semaine… A force de me battre depuis 6 ans, il a maintenant 1 heure d’école par semaine. Les enfants dans sa situation (polyhandicapés et non verbaux) ne sont pas la priorité m’a-t-on dit…Il mérite
pourtant qu’on lui donne les moyens de faire des apprentissages (qu’il fait d’ailleurs par d’autres biais – je paie une enseignante spécialisée en visio). Pourquoi l’Education Nationale ne donne-t-elle pas de vrais moyens pour que nos enfants aient droit à une école digne de ce nom ? Comment mon fils peut-il avoir une chance de faire des progrès avec 1 heure d’école par semaine? » parents d’Alonzo M., 13 ans
Ce sont donc les élèves qui ont le plus besoin d’être accompagnés qui sont écartés des dispositifs inclusifs qui peuvent faciliter leur scolarisation.
Un manque cruel d’enseignants spécialisés
L’outil de l’Unapei fait également ressortir un manque d’enseignants spécialisés, et d’enseignants formés :
→ Ainsi dans le département de l’Eure en Normandie, la moyenne est de 32 enfants par enseignant et
seulement 20% d’entre eux sont des enseignants spécialisés.
Les conséquences de l’absence de scolarisation, ou de scolarisation dans des conditions inadaptées sont
dramatiques pour les enfants et leurs familles, qui doivent très souvent assurer une logistique mettant à mal leur équilibre entre vie professionnelle et vie familiale et sont éreintées de la charge mentale portée. Imagine t-on seulement que certaines familles la vive chaque jour de la semaine depuis des années, à cause de l’exclusion de leur enfant ?
« Je suis maman solo de 4 enfants. Depuis le premier confinement mon fils, autiste, est à la maison sans
solution. L’établissement qui est censé l’accueillir nous propose 20 minutes d’accompagnement le lundi et 20 minutes le jeudi, en présence de notre éducateur et éducatrice libérale qui interviennent à notre domicile. Pour l’équilibre de la famille cette situation ne peut pas durer dans le temps. Mon fils a besoin d’une prise en charge structurée et adaptée à son autisme. » maman de Arnel L., 16 ans
Les recommandations de l’Unapei
Cette année encore, de nombreux élèves en situation de handicap n’accèderont pas à l’école comme les autres élèves. Il est temps que ces élèves puissent explorer et développer leurs capacités grâce à un système éducatif qui prenne en compte leurs besoins dans leur globalité, c’est-à-dire non seulement leurs besoins éducatifs mais également thérapeutiques. Des actions concrètes sont à mener pour apporter à tous les élèves des solutions éducatives effectives, bientraitantes, individualisées et limitant les conséquences pour leurs familles contraintes de pallier l’absence de scolarisation. Pour cela, il est nécessaire de :
– Prendre en compte les élèves inscrits dans les établissements spécialisés (IME…) dans les chiffres de
l’Education Nationale, pour avoir une vision réaliste de la situation,
– Former les enseignants et le personnel éducatif aux spécificités des élèves en situation de handicap
afin qu’ils puissent adapter leur enseignement, au bénéfice de tous.
– Adapter les programmes éducatifs en termes de méthodes, de rythmes et de contenus.
– Adapter l’environnement scolaire et renforcer les moyens accordés aux enseignants et personnel
éducatif afin d’offrir les meilleures conditions d’accueil aux élèves en situation de handicap.
– Adapter les effectifs des classes accueillant des élèves en situation de handicap.
– Garantir la possibilité d’un accompagnement thérapeutique adapté aux élèves en situation de
handicap, quel que soit le lieu de leur scolarisation
– Organiser des projets pédagogiques collaboratifs entre établissements scolaires et établissements
spécialisés, dédier des temps d’échange de pratique et de construction entre professionnels du
médico-social et de l’Education nationale.
– Garantir une continuité d’accueil entre les temps scolaires et les temps d’accueil de loisirs des élèves
en situation de handicap.
– Sensibiliser l’ensemble de la communauté éducative à la diversités des handicaps, notamment les
handicaps invisibles, et à leurs conséquences sur les apprentissages et la vie sociale.